« Quelles sont les matrices à rêves ?
Quels sont les vaisseaux qui nous emportent ? »
Erik ORSENNA, de l’Académie française
Depuis sa création en 1998 « si on rêvait », un des ateliers de l’association HOPE, a continué sa démarche pédagogique en s’autonomisant et s’enrichissant des échanges comme nous le rappelle le texte d’introduction d’Erik Orsenna. Rien n’a été modifié dans la marche à suivre de l’atelier et l’enseignant qui veut y participer signe un protocole et s’engage à respecter les consignes de travail.
Chaque année une vingtaine d’enseignants spécialisés de l’Education nationale en France et actuellement en Espagne (Catalogne) continuent de donner vie à cet atelier depuis des services hospitaliers des classes spéciales en écoles ou collèges. Ces dernières années très perturbées dans les deux institutions Ecole et Santé, ont vu l’atelier évolué mais veut rester le témoin et le garant de la voix de l’enfant et de l’élève.
Les journaux restent une trace écrite des évolutions de notre société mais la permanence du désir des enfants reste :« Ce que je veux le plus au monde, c’est grandir »
« Nous vous proposons une minute de rêve »
C’est dans la classe de l’hôpital, ou souvent au chevet de l’enfant, que le travail de l’image commence. Ému par la beauté esthétique des photos, l’enfant est invité à faire un choix pour « une minute de rêve ».
Les six photos au format A4 sont exposées, puis circulent pour que chacun les prennent en main. On les touche avec précaution comme des « trésors ».
« Ce qui étonne toujours, c’est la qualité du silence qui s’installe. »
« Les enfants restent en silence et en suspension », note une enseignante.
« Ils sont littéralement éblouis et scotchés à une photo. »
Puis, les paroles se délient : « C’est beau ! »
« Une image presque parfaite ! À vous couper le souffle », déclare une adolescente.
« On se sent libre, on est ailleurs.»
Le voyage commence : les quatre étapes de l’atelier
1ère étape : de l’image à la rêverie…
La photo devient IMAGE quand l’enfant l’ayant choisie se l’approprie. Peu d’enfants résistent à la force des images regardées en silence, qui font oublier l’hôpital et entraînent « au voyage ». L’image du réel, librement choisie, peut entraîner dans un voyage loin, très loin, dans l’espace du rêve et très profondément dans le « dedans-de-nous », comme les enfants appelle leur Moi. Chacun verra dans l’image ce qui lui procure du plaisir ou ce dont il a besoin. Certains se laisseront entraîner dans « l’imaginaire du merveilleux » ou flirteront avec « l’imaginaire du pire ». L’enfant n’y sera jamais seul…
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2ème étape : du rêve au récit…
« Pars où les vaisseaux t’entraînent… Parle leur langage… Laisse sortir ce qui s’ajoute à toi »
Jacques Lévine
« Si tu veux continuer ton rêve, raconte-le ! » est-il proposé aux enfants de maternelle ou aux malades trop souffrants. Le récit, pris en note sous leurs yeux, devient un texte. Mettre en mots ses sensations et ses émotions, ses souvenirs et ses espoirs, complète le travail de l’image. C’est un moment d’émotion intense partagée.
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3ème étape : du rêve à l’écriture…
« Une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l’écrire, l’écrire avec émotion, avec goût, en la revivant d’autant mieux qu’on la récrit. »
Gaston Bachelard
Les grands, ceux qui ont la chance de savoir et de pouvoir écrire sont invités à franchir l’étape de l’écriture. « C’est la page blanche qui donne le droit de rêver » notait Gaston Bachelard. L’imagination se manifeste par des formes d’écritures différentes, des récits, des dialogues, des essais poétiques, et souvent par une réflexion personnelle sur leur vision du monde.
Ils retrouvent alors leur statut d’élèves, ce qu’ils étaient avant et ce qu’ils redeviendront en sortant de l’hôpital. Et l’enseignant est bien le pédagogue, « celui qui mène au savoir » en validant le travail terminé. Les adolescents expriment également très fortement à l’hôpital le désir de laisser un témoignage « L’écriture, c’est une pensée qui laisse sa trace. » Isabel, 14 ans.
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4ème étape : de l’écriture à la joie de communiquer
« Quand il rêvait dans sa solitude, l’enfant connaissait une existence sans limite. Sa rêverie n’était pas seulement une rêverie de fuite. C’était une rêverie d’essor. »
Gaston Bachelard
Écrire pour partager, se sentir propriétaire de son texte et décider de le diffuser dans le service, dans les classes, dans le réseau « Si on rêvait ». La joie de communiquer et d’être lu par tous est une réaffirmation d’identité et d’une estime de soi renforcée. Très peu d’enfants refusent de donner leurs textes et les adolescents apprécient les témoignages d’autres enfants hospitalisés.
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Le voyage continue… avec l’association
Alors reprennent de nouveaux voyages, celui des textes. L’association, après avoir organisé le départ des photos, va maintenant centraliser les textes reçus par mail, les classer par photos et faire traduire par des enseignants bénévoles les textes roumains et espagnols. La totalité des textes est rediffusée dans le réseau sous forme de journal électronique, page à page. Les textes les plus représentatifs de l’imagination des enfants et adolescents hospitalisés paraissent dans notre journal imprimé : « Si on rêvait ».
Le nombre de textes ne permettait pas de les publier tous (150-200 à chaque envoi). Chaque enseignant sélectionnait les textes et une concertation par téléphone permettait le travail de mise en page. Ces dernières années, les enseignants souhaitaient que tous les textes envoyés soient publié. Nous espérons que des échanges par Zoom, vitalisent l’atelier sur ce point parfois délicat.
Ce journal est offert à tout enfant qui a écrit un texte, il est archivé dans la bibliothèque de l’école et officiellement enregistré au CLEMI, comme témoin du travail collectif.
Témoignages
Paroles d’enfant
« Mon papy m’a dit : – Fiston, je suis fier de toi. Ton nom dans le journal , c’est classe !»
Discussion d’adolescents
« Un rêve de la nuit ne se raconte pas, ne s’écrit pas. Il se cache dans le sommeil et, finalement, on le perd et on l’oublie. Le rêve de jour, avec la photo, c’est une bouffée d’air… C’est comme le début des vacances. On en rêve et puis après on s’organise, on fait des projets. Là, on regarde la photo, on prend l’image pour soi, puis on organise la vie du rêve avec des mots et ça devient de l’écriture. Ce sont des rêves partagés, si on le veut.»